La pure inconnue entra dans le petit salon. Les instructions disaient d'attendre, alors elle prit un siège et, croisant les jambes, la nosfératu plongea une main dans sa veste pour en sortir un iPhone, prenant ses message paisiblement.

La vampire portait le masque de son ancienne vie, pour le moment, par précaution pendant qu'elle voyageait parmi les mortels. Ses cheveux blonds tombaient en cascade sur ses épaules, attirant la vue sur son veston de cuir qu'elle portait par-dessus une petite robe au décolleté plaisant, sans être provocant. Alice sourit en pensant aux trois hommes, dans la rue, qui tentèrent de lui faire du charme. S'ils savaient la vérité, s'ils voyaient ce qu'elle était, réellement.

L'actrice le cachait plutôt bien, mais malgré que son coeur soit mort, elle était grandement nerveuse. Depuis les six derniers mois, elle avait évité le contact avec les autres vampires, au conseil de Julia, mais ce ne sera plus possible à Paris. Alice n'avait réellement connu seulement sa mentor, son sire et le second infant dudit sire.

"Au moins Julia a trouvé de bons employés." dit Fleur de Lys pour elle-même, ayant reçu le message que les bagages qu'elle avait laissé à la petite rousse était rendu à bon port. "Merci, j'arrive bientôt Sylvie." écrivit-elle en retour, avant de ranger l'appareil.

Un serviteur arrive discrètement dans le petit salon et s'approche d'Alice.

Le Prince et prêt a vous recevoir, si vous voulez bien me suivre.

Alice leva la tête doucement alors que quelqu'un lui adressait la parole. Le prince était donc prêt à la recevoir. Prenant une grande inspiration, bien qu'elle n'aie pas besoin de respirer, celle qui portait le masque d'Alice d'antan se leva d'un bond afin de suivre l'aimable serviteur.

*Mon masque...j'espère que de le porter ne sera pas considéré comme une insulte par le prince...peut-être devrais-je reprendre mon apparence réelle.* pensa la femme à la beauté illusoire. Puis, souriante, elle songea. *En fait, ce n'est rien de plus que lorsque je me présente à mon public. Je commencerai avec mon costume, ferai une révérence et le retirerai ensuite.*

"Bien entendu, montrez-moi le chemin, je vous suis comme votre ombre." répondit la nosfératu aux paroles de l'homme.

[Suit le servant jusqu'à la Salle du Trône]

[Vient de là]

Le jeune Ventrue s'apprêta à saluer à la cantonade alors qu'il rentrait dans le petit salon, mais à sa grande surprise, celui-ci était vide...
D'abord un peu décontenancé, Gatien se frotta mentalement les mains.

*Chic ! Je vais pouvoir jouer un peu !*

Il s'installa donc devant le piano, régla le tabouret et regarda les partitions disponibles.
Il n'y avait malheureusement pas de Chopin, ce qu'il déplora, avant de reporter son intérêt sur la sonate au clair de lune de Beethoven. Il connaissait l'air d'oreille, et se mit à déchiffrer les notes, comme un bon élève.
D'abord la main droite, puis la gauche, puis il tenta les deux ensemble.
Il ne faisait pas de fausses notes, mais ce n'était pas spécialement par talent : plutôt parce que ses doigts allaient très lentement, ne se posant que lorsqu'il était sûr.
Le premier mouvement qui, à la base, n'était déjà pas d'un dynamisme extraordinaire, prenait carrément des allures de requiem. Mais la lenteur donnait aussi quelque chose de doux et tranquille à l'ensemble.

[Alice sortit du bureau de Vivian de la Rochère] et descendit les escaliers menant au rez-de-chaussée, marchant de sorte à se retrouver au petit salon d'où venait une musique douce, aux allures funèbres presque. Machinalement, elle s'empara de son téléphone, regarda l'heure et ses derniers messages à la vitesse de l'éclair, force de l'habitude, pour ensuite appeler la Cour des Miracles.

"Sylvie, j'ai terminé mais j'ai oublié mon argent pour le taxi, tu crois que tu peux venir au Louvre me chercher?.. Merci, tu es une perle. Je suis la blonde avec le... Ha, tu sais? Tu as vu mes pièces? Ça me réchauffe le coeur Sylvie, allez, je t'attends." dit-elle avant de raccrocher et remettre son iPhone dans la poche de son veston de cuir.

Elle avait été discrète, de façon à ne pas déranger le pianiste. Souriante, la jeune nosfératu repensait à Sylvie. Il fallait l'avouer, Julia avait l'oeil, elle avait choisi les employés, le troupeau, parfait. En plus, le nombre était idéal : Sept. Un par jour de la semaine, et tous des admirateurs, apparemment. Elle devait tout à Julia, et elle le savait, la vampire avait une profonde affection pour sa mentor et amie.

Bien que depuis sa mort, Alice ne ressente pas vraiment le froid, elle préférait ne pas avoir à se promener en robe et veste de cuir à cette époque de l'année et cette heure de la nuit, alors elle resta ici un moment, à écouter les notes du musicien. Il n'était franchement pas mauvais, du moins, à son oreille, mais elle n'avait jamais été très musicale, bien que la jeune femme admirait ceux qui avaient, par le passé, fait les trames musicales de ses spectacles, lorsque nécessaire. Passant une main dans ses longs cheveux blonds, elle écoutait, poliment, en attendant son employée.

Très concentré sur le morceau auquel il n'était pas habitué, Gatien ne remarqua l'arrivée de la nouvelle venue que grâce ses discrets murmures, qui ne durèrent pas.
Il hésita entre s'arrêter de suite pour éviter des commentaires désobligeants sur son niveau de débutant, et le plaisir de finir l'air.
Il choisit de finir, et se détourna du clavier une fois la dernière note évanouie, un vague sourire d'excuse sur les lèvres, pour regarder la pièce.

Il y découvrit une jeune femme qu'il ne connaissait pas. Agréable de visage, séduisante de silhouette. Mais ce furent surtout ses jolis cheveux d'or, et sa façon impressionnante d'occuper l'espace, qu'il remarqua le plus.
Elle n'avait pas trop l'air sur le point de l'accuser d'avoir brutalisé Beethoven, et ne portait pas le tailleur propre aux goules locales, aussi, supposant qu'il avait affaire à une semblable, il accentua son sourire et quitta le tabouret du piano pour lui faire une révérence.

- " Bonsoir mademoiselle. "

Il hésita encore, ne sachant trop quel était le rang de son vis à vis, et s'il devait attendre qu'elle se présente ou se présenter en premier. Parfois, certains ancien s'offensaient de trop de familiarité, bien qu'à Paris il n'ait que peu rencontré cette catégorie.

Alice écouta le récital amateur poliment jusqu'au bout. Tiens, ce n'était pas fou comme idée. Jusqu'à présent, dans les pièces que la jeune actrice avait écrites elle-même, elle n'avait pas exploité la musique, mais tout ça lui donnait quelques idées. La dramaturge prit une note mentale, après tout, elle avait de bonnes notions en musique et certaines de ses idées pourraient en bénéficier grandement. La jeune vampire fut tirée de sa rêverie par la dernière note et, un peu plus tard, par une voix.

Portant les yeux sur l'homme, la nosfératu sourit. Sa présence et sa beauté n'étaient qu'illusoires, mais, si la belle savait une chose, c'était d'user de charme, de faire preuve de charisme et se faire apprécier. Effectuant un signe amical de la tête, la jeune femme répondit avec politesse, se levant pour lui rendre sa révérence.

"Bonsoir. Cet air musical était agréable, vous avez du talent, pratiquez et vous pourriez être un vrai virtuose. Le rythme n'était pas le bon, mais c'est une variation intéressante." lui dit-elle, toujours avec un sourire honnête. "Pourrais-je connaître votre nom? Le miens est Alice Morel, je suis nouvelle à Paris, j'arrive à peine, en fait."

Elle reprit place sur le siège et croisa les jambes, lui offrant de prendrep lace à ses côtés d'un geste gracieux de la main.

Un peu confus, Gatien s'inclina devant le commentaire bienveillant de la demoiselle.

- " Je jouais ce morceau pour la première fois, d'où ma maladresse quand au rythme préconisé par son auteur...
Il est vrai qu'il me faudra bien de la pratique pour mériter le nom de pianiste. "

Il ne disait pas cela avec hypocrisie, mais avec l'humilité sincère des gens qui aiment un art ou un autre.

En apprenant l'arrivée si récente de mademoiselle Morel, le jeune caïnite sourit derechef.

- " Dans ce cas, soyez bienvenue dans notre belle capitale, mademoiselle.
Je suis Gatien de Cambiaire, heureux de faire votre connaissance. "

Puisqu'il il était invité, il prit place dans le fauteuil voisin de celui où se trouvait la gracieuse Alice.

- " Serais-je indiscret si je vous demandais ce qui vous a menée à rejoindre Paris ? "

"Merci de l’accueil et le plaisir est partagé, croyez-moi. Au fait, vous permettez que je vous appelle Gatien? Du même fait, vous pouvez m'appeler Alice." dit-elle avec le sourire.

Pendant quelques secondes, elle demeura silencieuse. Jusqu'où pouvait en dire. Les conseils de Julia étaient de ne pas trop révéler de son passé, mais combien était trop? Là demeurait tout le problème. Jouant la carte de la sécurité, la jeune femme garda un apparence songeur, un peu rêveur.

"Pardonnez-moi, je me suis égarée dans les couloirs sinueux de mon esprit." s'excusa la nosfératu sous déguisement, pour continuer derechef. "Paris est parfait pour moi. Depuis un peu moins de dix ans, je me suis prise de passion pour le théâtre, après avoir joué Fleur-de-Lys dans un reproduction amateur de Notre Dame de Paris, pour nous amuser. Depuis, le surnom est resté, ainsi que la passion qui n'a fait que grandir. C'est ce qui me fait sentir vivante, alors j'ai décidé d'ouvrir mon propre théâtre et d'écrire mes propre pièces, ici même à Paris. D'ailleurs, si vous voulez, vous pouvez venir, un jour. La Cour des Miracles vous est ouverte." dit l'actrice, armée de son perpétuel sourire.

Il était facile, dissimulée par le masque aux milles visages, d'assumer que la jeune vampire était membre d'un clan tout autre, après tout, celle qui lui avait tout appris était une toréador. Alice ne cherchait pas réellement à duper Gatien, mais l'effet serait beaucoup plus complet si la surprise n'était pas révélée immédiatement.

Gatien hocha la tête à la demande d'Alice.
Appeler quelqu'un par son prénom ne lui était absolument pas naturel, mais il savait son comportement parfois trop guindé.
De son côté, pendant ses années de service on ne l'avait guère jamais appelé que par son prénom, donc, cela ne le dérangeait pas.

Le néonate haussa les sourcils en apprenant que la nouvelle venue faisait du théâtre, et les haussa d'avantage en apprenant qu'elle venait ouvrir sa propre salle.

- " Quelle ascension en si peu de temps ! Je suis très impressionné.
C'est avec plaisir que je viendrai découvrir vos oeuvres. "

Et curiosité aussi.
La Cour des Miracles était un terme à la fois intrigant et évocateur. Vendeur en tout cas.
Gatien réfléchit un instant et rajouta :

- " Peut-être pourriez-vous communiquer à notre Harpie, Cathy Schmitt, les dates et horaires de vos représentations ? Elle édite un petit journal quotidien. Certes, on ne le trouve qu'ici, mais le petit salon est en principe assez fréquenté. "

Bon, certes, ce soir ce n'était vraiment pas le cas. Mais cela lui semblait exceptionnel. En général, lorsqu'on se donnait rendez-vous inter-clan, c'était à l'Elyseum, et dans le petit salon. Sans compter les gens qui y patientaient en attendant d'être reçus par une sommité ou une autre.

Alice, pour le moment, appréciait la compagnie de Gatien. En ce qui la concernait, Sylvie pouvait bien prendre tout son temps. Il y avait longtemps qu'elle n'avait pas discuté ainsi, seule avec un homme... et celui-ci était plutôt mignon...

Rapidement, elle eut un mouvement de tête, chassant ces pensées au plus vite, afin de concentrer sur l'homme son attention, écoutant ce qu'il avait à dire.

"Mon ascension dans l'univers du théâtre a été plutôt rapide, en neuf ans, mon nom s'est répandu parmi les connaisseurs de ce monde, mais c'est surtout la mort de ma tutrice qui a tout fait changer. Ma grand-mère m'a léguée une bonne somme d'argent il y a bien des années et, un jour, j'ai eu l'opportunité de canaliser cet argent pour acheter un emplacement et ouvrir ma propre salle de spectacles. Elle est située dans les métros, et pour aider à financer mes projets, la billetterie fait aussi les cafés, friandises et sandwichs divers pour ceux qui attendent le métro. La salle, bien sûr, est complètement insonorisée." dit-elle en s'emportant un peu, souriante. Il était évident que ce projet lui tenait à coeur.

Le flot de paroles avait aussi un usage tout autre : Gagner du temps. Gatien de Cambiaire avait utilisé un terme qu'elle n'avait pas entendu depuis quelques mois et dont elle avait oublié toute signification. Dans la société vampirique, quel rôle jouait la harpie? Les seules harpies que connaissait la jeune femme étaient celles des contes et légendes et celles qu'elle transperça d'une flèche, lorsqu'elle était Azalée de Fambion, dit Vive Flèche, lors d'une partie de Donjons et Dragons, il y a bien des années. La dramaturge demeura calme et libéra son esprit en riant un peu d'elle-même. Après tout, il était question de journal et de théâtre, alors il y avait de grandes chances que la Harpie n'aie un rôle culturel à jouer.

"Je tâcherai d'y penser. Je dois d'abord m'installer avant, et ensuite me familiariser avec Paris, mais je prends bonne note de votre conseil."

Gatien écoutait, intéressé par le récit d'Alice.
Un théâtre dans le métro ?
L'idée était pour le moins originale ! Et pratique, lorsqu'on y songeait...

- " Le format de vos représentations sera-t-il classique, ou raccourci pour inciter les gens à venir plus spontanément ? "

Avec un nom et un endroit aussi peu formels pour un théâtre, il imaginait une sorte de comedia dell arte continue, où les gens pouvaient venir en ayant raté le début, ou partir en manquant la fin.
Il réalisa cependant que la mention d'une billetterie contredisait cet élan d'imagination farfelue, et qu'il risquait d'avoir laissé échapper une sottise.
Rien de diplomatiquement catastrophique non plus, aussi, il parvint à rester relativement calme.

Le néonate hocha la tête à la sage réponse de Morel sur son établissement.
Il aurait aimé en apprendre d'avantage sur son agréable vis-à-vis, mais sa curiosité était jugulée par une éducation qui ne lui permettait pas de poser de but en blanc un tas de questions indiscrètes.
Il se contenta donc d'un :

- " Vous verrez, Paris intra-muros n'est pas si grand que cela. Vous y serez vite à l'aise. "

Le souvenir de sa propre arrivée dans la capitale lui revint brièvement.
En tant que nouvelle arrivante, il se demanda comment il pouvait lui être agréable sans passer pour un horrible paternaliste... Et conclut finalement qu'avec son aisance, cette jeune femme saurait bien l'interroger si elle souhaitait savoir quelque chose. Pour autant que son Primogène ne lui ait pas déjà appris ce qu'elle avait besoin de savoir.

La nosfératu réfléchi aux mots de Gatien pendant un moment. Un format plus raccourci pourrait en effet être favorable et, même, pourrait-elle encourager le public à participer. Pour certaines de ses idées, cela lui profiterait grandement, autant en nouveaux talents, qu'en gorges fraîches à mordre, et tout ça n'éveillerait pas les soupçons, après tout, ce n'est que de la comédie.

"Vous savez Gatien, je n'y avait vraiment pas penser. La cité des gitans pourrait, en effet, profiter de micro-spectacles, voir même, quelques fois, de scènes amateures. Les gens seraient, en effet, plus attirés s'ils peuvent aller et venir comme bon leur semble, et ça me donne une raison de plus de revêtir mon queue-de-pie de scène et passer dans les rangées de sièges avec mon haut-de-forme. Instaurer un système de dons, au lieu d'une billetterie. D'un point de vue financier, ça aiderait certainement, jusqu'à ce que je sois plus connue ici." dit Alice, sincèrement intéressée. "Charmant, brillant, poli et businessman... avez-vous simplement un défaut? Vous êtes du clan Ventrue, n'est-ce pas? Sinon, vous en possédez toutes les caractéristiques. Pardonnez-moi si c'est un peu indiscret de ma part, simplement, vous me semblez amical et je suis toujours un peu curieuse en ce qui concerne mes amis." ajouta-t-elle avec le sourire. "Ceci dit, merci, c'est une grandiose idée. De toute façon, j'arrive à peine, il va me falloir encore un peu de temps pour tout mettre en ordre."

L'actrice, si elle voulait survivre, se devait d'apprendre tout ce qu'elle pouvait sur toute la population vampirique de Paris. Ce n'était, néanmoins pas la raison principale de sa demande, il s'agissait vraiment, à l'origine, de curiosité. Alice n'avait jamais, auparavant, rencontré la majorité des clans et elle était excitée d'avoir l’occasion de discuter avec eux et apprendre plus que ce que lui avait raconté Julia. Passant une main dans sa longue chevelure blonde, la dramaturge croisa les jambes. Sylvie pouvait prendre son temps, mademoiselle Morel n'était pas particulièrement à la hâte.

Gatien imagina Alice avec une queue-de-pie et un haut-de-forme, image désuète et charmante, et sourit.
Il était surtout très content de n'avoir pas proféré une énormité. Et si ses idées vagabondes pouvaient aider mademoiselle Morel à s'établir, il en était positivement ravi.

En revanche, il fut mal à l'aise devant les compliments que lui fit la jeune femme, et il aurait certainement rougi s'il avait encore été vivant.
Il remua un peu sur son fauteuil, signe de son trouble, et prit soin de ne pas rebondir sur ses prétendues qualités. Ou ses défauts, d'ailleurs.

- " C'est le costume trois-pièces qui vous a aiguillée, avouez. "

Dit-il sur le ton de la plaisanterie pour se sentir moins mal.


- " Je salue votre perspicacité, car je fais effectivement partie du clan Ventrue.
Dont j'espère n'être pas une caricature. "

Il sourit et se retint de débiter sa lignée, car c'était une chose qui se faisait surtout dans les réunions mondaines ou les évènements officiels. Ou au sein du clan. Mais pas au cours d'une aimable conversation dans le petit salon...

- " De mon côté, hélas, je crains de n'être pas aussi intuitif... A cause de votre élégance et votre passion, et du fait que vous captez facilement l'attention, je hasarderais le clan Toréador, mais ce serait un peu un cliché, non ?
Me donneriez-vous un indice ? "

"Une caricature, non, je dirais plutôt, un magnifique portrait. Le costume donnait un bon indice, j'avoue, mais l'habit ne fait pas le moine. Disons simplement que j'ai eu...une intuition féminine." dit-elle, avec un sourire sur les lèvres.

Alice réfléchi un instant. Ce n'était pourtant pas une question très difficile mais son honnêteté était en combat singulier contre sa malice. La jeune femme était grandement tentée de le laisser chercher, pour encore un moment. Hors, serait-ce mal vu si la jeune vampire commençait à jouer avec ses semblables, se moquant d'eux? Non, elle ne voulait pas attirer l'attention, pas si tôt. L'honnêteté semblait de mise, en ce moment.

"Vous avez demandé un indice, en voici un plutôt évocateur." dit la jeune blonde, avant de continuer. "Le théâtre m'a appris à jouer des rôles, à porter des masques, un talent des plus utiles pour ceux de mon clan, si nous voulons nous fondre dans la masse. Ceci dit, vous avez à moitié raison, puisque je n'ai jamais rencontrer celui qui m'a enfanté, c'est parmi les toréadors que j'ai tout appris." mentionna la nosfératu.

Alice Morel n'était pas encore très au parfum sur la place des nosfératus dans la société vampirique, et elle espérait que leur apparence ne faisait pas d'eux, d'office, des raclures, des monstres. Certainement pas, après tout, Vivian occupait une place importante à la tête de Paris. Ses craintes n'étaient certainement pas fondées et elle s'en faisait trop. La jeune vampire se sentait pathétique : Elle n'avait pas peur d'une foule, d'être sous les projecteurs et de jouer un rôle, mais déménager et rencontrer quelques personnes lui faisait perdre ses moyens. D'un certain côté, bien qu'elle soit confiante, c'est maintenant, en cette nuit, que la jeune Fleur de Lys voyait à quel point ce monde était nouveau pour elle.

Gatien remercia d'un sourire les propos rassurants d'Alice concernant son... intuition.
Il détestait la flatterie, mais notait la bienveillance dont faisait preuve son interlocutrice. Cela rattrapait un peu son malaise.

Il écouta ensuite avec attention l'indice que la gracieuse jeune femme lui donnait.
Il hésita un instant entre le clan de la Lune et celui des Masques, car de son point de vue, tous les deux devaient faire des efforts pour passer inaperçus. Le néonate finit par conclure que si le théâtre s'ouvrait dans le métro, territoire réservé aux Nosferatus, alors mademoiselle Morel devait être... une de ces créatures de cauchemard qui lui donnaient des frissons de dégoût.
Mais elle était "cachée" de toute évidence, et cela plongea le jeune Ventrue dans une profonde perplexité.
On lui avait dit qu'il n'était pas possible d'utiliser ses talents sombres au sein de l'Elyseum. L'incident lors du dernier bal l'avait montré : les nouveaux venus le faisaient à leurs risques et périls. Et pourtant, la demoiselle était là, fraîche, pimpante et naturelle.
Elle avait dû recevoir une autorisation spéciale, sans doute...? Ce qui, pour le clan des Masques, était vraiment une riche idée.

Il eut un sourire sincère et avoua, assez amusé :

- " Si vous ne m'aviez pas aidé, je n'aurais jamais deviné ! "

Il songea à la vague rumeur qui disait que les fondateurs des clans Nosferatu et Toréador s'étaient aimés, et trouva charmant que la demoiselle ait été éduquée par un membre d'un clan si étranger au sien.
Il rajouta :

- " Cela fait plaisir d'accueillir un membre du clan des Masques à Paris. Vous êtes si peu nombreux... "

Il resongea aux articles de madame Schmitt, et au fait que, s'ils se comptaient sur les doigts de la main, c'est que l'horrible démoniste les avait allègrement massacrés.

"Vous auriez bien fini par le découvrir d'une façon ou d'une autre, j'en suis certaine. Porter un masque est utile pour mon public, les mortels me connaissent sous ce visage, après tout." dit la jeune nosfératu en souriant.

Passant une main dans ses cheveux dorés, elle le regarda un instant, hésitante à lui poser quelques questions. Cette nouvelle vie lui promettait bien des surprises dans les semaines à venir et, bien que l'actrice aimait les aléas de la vie, nous parlions ici de vampires et, pourquoi pas, d'autres créatures d'origines surnaturelles. Julia ne lui avait pas parler des autres choses qu'elle pourrait rencontrer au tournant. Zombies dans les cimetières? Alligator géant dans les égouts? Monstres de Franheinstein? Gargouilles?

Non, ce n'était pas le moment, et c'était une question qu'elle poserait à Vivian, avant tout. Consciente de la rivalité entre les clan, il était plus sage de parler de sujets délicats avec le nosfératu, étant de son clan, il n'avait rien à gagner à lui mentir. Non pas qu'elle manquait de confiance en Gatien, bien au contraire, simplement, sa mentor s'était assurée qu'Alice sache que ce monde était beau, plein de possibilités, mais aussi noir que la nuit et sans pitié. Il y avait bien une question qu'elle pouvait lui poser, une question que Vivan avait éluder, par manque de temps.

"Justement, si je puis me permettre, pourquoi les nosfératus sont si peu nombreux à Paris? J'ai posé la question à monsieur de la Rochère, mais il a jugé ça peu important. Il a parlé de traîtres ou quelque chose du genre, sans m'en dire plus, j'avoue être intriguée. Je suis curieuse, c'est mon vice." dit-elle en souriant avec charme.

Gatien répondit avec un sourire amusé :

- " C'est le vice de beaucoup de gens, je vous rassure. "

Il hésita toutefois avant de répondre.
Si le Sénéchal n'avait pas voulu informer la nouvelle venue, était-il autorisé, lui, petit néonate, à divulguer l'information ?
Peu important, c'était tout de même un terme fort peu adapté au triste massacre qui avait eu lieu dans le silence des souterrains parisiens...
Puis il réalisa que, de toute manière, les Chroniques de l'ombre ne cachaient pratiquement rien de l'affaire, et qu'il pouvait donc raconter ce qui, au fond, était de notoriété publique.

- " Nous avons eu maille à partir avec un ancien non-camariste du nom de Boubanos.
L'individu prête inversement proportionnellement à rire avec son prénom : il est très puissant, commerce avec les démons et enjôle les gens avec facilité. Il était enfermé dans les plus profondes salles du Louvre, et a hélas été libéré par plusieurs caïnites.
Suite à sa libération, il s'est taillé un refuge dans les souterrains de Paris, qui ne sont autres que le domaine de votre Clan. Et pour y être tranquille, il a traqués et tués les pauvres Nosferatus qui s'y trouvaient.
Je ne puis hélas pas vous donner de nom, car lorsque je suis arrivé en ville, le vide avait déjà été fait, et les rares survivants n'utilisaient des refuges qu'en surface. "

Le récit n'était pas réjouissant. Tant de pertes pour un Clan dont la notion de réseau établi est si fondamentale... Tout était à refaire, à reconstruire.
Il se demanda ce que devenaient Phantom et Kaoum, et si Venise s'éveillerait un jour de sa torpeur...
Un instant nostalgique, il se reprit et conclut, dans une tentative pour alléger l'ambiance :

- " Mais rassurez-vous, l'individu a été emprisonné à nouveau, et ses suivants détruits ou mis en déroute. "

Son téléphone portable vibra quelques coups dans sa poche intérieure, mais il l'ignora. Il trouvait affreusement goujat de répondre au téléphone lorsqu'il était en conversation.

Alice fit un hochement de la tête, écoutant avec attention. Ce que ça semblait horrible! Les démons étaient donc, eux aussi, bien réels... Intérieurement, l'actrice se rassura, après tout, c'était du passé, pas vrai? Il n'y avait aucune raison pour que des événements horribles se produisent pendant son séjour à Paris, pas vrai?

*N'y pense pas trop, Alice, c'est le genre de peur qui peuvent ruiner chaque instants. De plus, tu n'es plus la petite fille sans défense, tu es la prédatrice, à présent.* se dit-elle, intérieurement.

Rassurée, la jeune femme posa, sans vraiment y penser, sa main sur celle de son interlocuteur. La belle illusoire, la poupée de porcelaine fanatique des arts dramatiques était sincèrement attachée, déjà, à cet homme qu'elle espérait, de tout son coeur froid, être un ami véritable, une relation qui durera. Ce n'était pas simplement dû à sa capacité à lui dire avec honnêteté les faits, mais bien parce que, au fond, il était le premier qui semblait la rencontrer et s'intéresser réellement à elle, pour ce que la nosfératu était, un plus profond d'elle-même. Le jeune homme semblait, du moins Alice Morel le croyait, voir par-delà le masque qu'elle portait et voir, au plus profond de son âme, sa vrai beauté. Vivian avait été sympathique, certes, mais la jeune femme encore dans la fleur de l'âge ne pouvait vraiment savoir si le sentiment, bien que baume pour le coeur, était, ou non, intéressé. Après tout, qui ne serait pas heureux de voir arriver des nouveaux membres pour son armée, s'il avait subi de lourdes pertes? Mais à ce moment de l'histoire, Alice préfèrait voir le bossu comme un ami, lui accordant sa confiance. Cette main, donc, caressa doucement celle de Gatien, avant de se retirer.

"Je vous remercie de l'information, Gatien. Je vois pourquoi monsieur de la Rochère ne m'en a pas parlé, mais je suis heureuse de le savoir. Il a dû jugé l'événement comme d'un songe du passé, qui n'avait plus à venir ruiner la vie des membres de son clan. Un acte sur lequel le rideau était tombé et donc, sans grande importance, au jour d'aujourd'hui." dit la jeune actrice, théâtrale. "Sinon, j'ai une autre question, pour vous, si vous le voulez bien..."

Ha, cette question, elle lui brûlait les lèvres depuis sa rencontre avec un brujah, un nosfératu et maintenant, avec un ventrue. Certes, la belle blonde ne s'aventurera pas aujourd'hui, elle attendrait d'être bien installée, mais il fallait qu'elle le sache, par curiosité maladive et par soucis de respect. Il n'était fort probablement pas de coutume de se présenter à chaque clans, mais, même si c'était risqué, elle voulait tous les rencontrer, et faire connaître son nom dans la ville, que tout le monde parte avec une image positive d'Alice, la vraie.

"J'imagine qu'il y a un lieu sur chacun des domaines où les différents clans se rassemblent. Pourrais-je savoir où sont ces lieux? Je planifie aller les voir, bientôt." demanda l'étoile du théâtre.

Gatien apprécia la comparaison avec un acte de pièce de théâtre, qu'il trouva fort adaptée.
En revanche, il frémit au barbare : 'jour d'aujourd'hui', que les présentateurs à la télévision s'acharnaient à répéter, mais il n'osa pas en faire la remarque. Cela aurait été trop pédant.
Au lieu de tout cela, il rajouta :

- " Peut-être aussi n'a-t-il pas souhaité vous inquiéter. "

Il ne connaissait pas le nouveau Sénéchal, et ne pouvait donc savoir si c'était vraiment une attention de ce genre, ou une manoeuvre destinée à un autre but. Mais dans le doute, restons positifs.
D'un point de vue personnel, il préférait la vérité, fut-elle terrible, à une confortable ignorance. Et il fut heureux de constater que, quelque part, c'était aussi le cas d'Alice.

Le néonate retint son amusement lorsque l'actrice lui effleura la main. Il s'était demandé si toutes les vampires féminines étaient tactiles, et il commençait a accumuler un certain nombre de réponses positives.
Seule sa Dame avait été la retenue même. Alors qu'ironiquement, il aurait largement préféré le contraire.
Il chassa vite ces souvenirs qui le rendaient toujours extrêmement triste, pour adresser un sourire sincère à la nouvelle venue.
Il avait conscience que ces contacts physiques étaient destinés à transmettre quelque chose d'amical, et la moindre des choses était de ne pas rester coincé comme un manche à balais.
Plutôt que de s'apitoyer sur lui-même, il se concentra sur la demande de mademoiselle Morel.
Mais il eut beau réfléchir, voilà une demande qu'il ne pouvait, hélas, de toute évidence pas satisfaire.

- " Malheureusement, la situation des refuges de clan est une chose privée qui ne se divulgue pas aux autres... De fait, j'ignore où ils se situent, je suis navré.
Je demanderai si j'ai l'autorisation de vous parler de celui des Ventrues, si vous voulez...? "

Une goule entra dans le petit salon, effectua une révérence à Alice, puis à Gatien, s'assura qu'il n'interrompait pas une phrase et annonça :

- Mademoiselle Morel, une jeune femme demande à vous voir. Elle dit se nommer Sylvie et être votre... chauffeur...?
Elle se trouve actuellement devant l'entrée.

Alice était un peu ennuyée que Gatien ne puisse lui révéler l'emplacement des divers refuges, mais, d'un côté, c'était plutôt logique. La jeune femme se doutait bien, avec les rivalités entre clans, ce ne serait pas le genre de chose facile à savoir, aussi bien intentionné soit-elle. Il n'était pas raisonnable de sa part d'espérer que, dans une société aussi vicieuse que celle des vampires, une pure inconnue, d'un autre clan, se voit accordée une confiance aveugle. Elle devra laisser faire le temps.

Le temps, justement, était venu pour elle de partir, la jeune nosfératu l'avait compris en voyant la goule se présenter à eux. Lui faisant un signe de tête, Alice se leva.

"Je comprends, Gatien. Je vous prie, si vous pouvez, demandez, j'aimerais grandement avoir l'opportunité de rencontrer les ventrues. Sur ce, je vous souhaite une bonne journée, Ce fut une rencontre des plus agréables." dit-elle, avec un sourire charmeur, avant de faire signe à la goule. "Je vous remercie, j'y vais de ce pas, il ne faudrait pas faire attendre mon chauffeur."

Alice Morel marcha d'un pas rapide vers [devant le Louvre].

Le jeune Ventrue se leva en même temps que la demoiselle, et la salua d'une révérence qui n'était pas sans rappeler celle de la goule quelques secondes plus tôt.

- " Tout le plaisir fut pour moi, chère Alice.
J'ai été enchanté de faire votre connaissance.
A bientôt, sans doute, et puissiez-vous passer une bonne journée. "

Il regarda la jeune femme sortir du petit salon, un peu méditatif.
Il l'avait trouvée délicieuse. Le charme de sa conversation, alternance entre songerie et vivacité, curiosité et gentillesse, coquetterie et franchise, était certain.
L'aurait-il trouvée si agréable si elle n'avait pas masqué son visage probablement cauchemardesque ?
Il fut bien obligé de s'avouer que non.
Etait-il donc superficiel ?
Il espéra avec accablement que non. Ou du moins pas trop. Ou du moins, il ferait des efforts pour ne pas l'être.

Pensif, il rangea machinalement la partition dont il s'était servi avec les autres, et descendit à son tour au rez-de-chaussée.