Il entra dans le bureau, déboutonna son long manteau qu'il plia et déposa délicatement sur le dos du fauteuil.
« Je ne me souviens pas vous avoir vu ici la dernière fois. » lança-t-il tandis qu'il s'asseyait,

Il leva son verre à son tour, le remerciant d'un signe de la tête courtois, et bu une gorgée avant d'ajouter :
« Je n'ai rien bu de tel depuis des lustres, et il faut admettre que cela vaut son pesant d'or. »

Vlask croisa les jambes et tout en observant le liquide tournoyer et embrasser voluptueusement les parois du verre, le regard pétillant.

Vlask bu une seconde gorgée avant de parler, ses traits s'étaient crispés et un regard sombre animait désormais son visage.
« Je vois… certes, une ville magnifique. » rétorqua-t-il, « Je suis arrivé ici en 1980, tout droit venu de Norvège. »

Il n'aimait pas spécialement évoquer son passé, et tout en tapotant son verre, il ajouta :
« Bien, disons que j'ai cessé de respirer quelques mois après m'être installé en métropole… d'où venez-vous exactement ? »

Il soupira, et engloutit le peu de liquide qu'il restait dans son verre.
« Il faut croire que celui-ci s'est envolé aussi vite qu'il est apparu, la lâcheté n'a pas de visage. »

« Pour tout vous dire, je n'avais pas prévu de vivre aussi longtemps. » Vlask déposa son verre sur le bureau.

Il s'approcha un peu plus près de son interlocuteur, et murmura :
« Je comptais mettre fin à mes jours ce soir-là. »

Vlask esquissa un sourire. Forcément, leurs deux tempéraments contrastaient mais il appréciait pleinement ce moment convivial.
« Je connais les règles, pour sûr. Cependant, je me suis toujours tenu à l'écart de ces histoires de clan, cela ne m'intéresse pas. »

Il lorgna un instant sur sa montre, puis précisa ses propos :
« Je suis du genre à faire cavalier seul, et mes problèmes disons, de santé, m'empêchent de tisser des liens sur le long terme. »

Il s'était peu à peu détendu, et se leva en direction du meuble mappemonde.
« Je vous l'accorde, un autre verre ne serait pas de refus. » dit-t-il, l'invitant à choisir une autre bouteille.

Puis, pivotant sur lui même, et cherchant l'objet du regard, il ajouta :
« D'ailleurs, un peu de musique serait la bienvenue, n'êtes-vous pas de cet avis ? »

[Arrive de Petit Salon du Louvre]

Marina suivait le pétale, portable en main, son sourire n'en démordant pas. Elle réfléchissait à une réponse acceptable, qui n'aurait pas l'air d'en faire trop. Si elle laissait ses doigts rejouer leur concerto, elle offrirait certainement à son Sire une partition complète.
De temps à autres, elle relevait les yeux sur le dos de sa guide pour s'assurer de ne pas la perdre...ou de se prendre un mur, sait-on jamais. Ou le tapis. Bref, de faire un faux pas.
Elle se décida à composer quelque chose, ajouta un "Oui chef, bien chef" qu'elle effaça en gloussant à voix basse puis parut satisfaite. Ou pas tout à fait. Une dernière chose, qui lui fit perdre son sourire tant ça en était sérieux.

Concentration. Il s'agissait de voir le Gardien, ne perdons pas le but premier.
Lorsque le chemin aboutit devant une porte, Marina se figea en observant le pétale. C'est parti. Elle attendit quelques secondes, remit ses cheveux en place, regarda la servante disposer puis toqua à la porte.

Marina inclina la tête sur le côté afin d'observer ladite assistante, comme si elle préférait loucher sur son port et sa tenue, plutôt que sur son visage. Peut-être essayait-elle d'associer l'élégance vestimentaire du Gardien à tout ce qui l'entourait ?

Elle se pinça les lèvres en entendant, pour la seconde fois de la soirée, le nom de Monsieur chiffons. D'Arcy. Elle avait bien essayé de le retenir mais ça n'avait pas été évident quelques temps plus tôt, à l'étage du dessous. Il y avait eu le stress, le trop plein d'informations et tout ce qui s'en suivait. En même temps, avec un nom pareil, difficile de penser à autre chose que "D'Artagnan" en essayant de se le remémorer. Qu'on se le dise. Vécu.
D'ailleurs, plutôt D'Arcy, Darcy ? Bref.

"Bonsoir, mademoiselle Constance."

Vite fait, un peu en retard, mais assez bien déballé. Sans fausse note et même avec un peu de bonne volonté. Ce n'est pas celle-là qui l'intéressait sur le moment, de toute façon.
Elle tapota son pied par terre, discrètement, mais comme étant un vague signe d'impatience.

Elle se redressa et força une inspiration en pénétrant dans le bureau du Gardien, prenant le temps de refermer la porte avec soin et de faire un petit signe de main à l'assistante. Elle avança sans rien dire, docile pour le coup, ses yeux glissant sur le matériel qui encombrait le bureau. Décidément. Lui aussi, ce n'était pas le genre à faire dans la demie-mesure. Elle avait justement cru comprendre.
Avant de faire un pas de plus vers lui, elle retira son gilet de petite fille à Papa et le suspendit au porte manteau indiqué. Pas plus mal.

Le grincement de la mappe-monde attira son regard et elle sourit au scintillement des bouteilles.

"Non, merci. J'ai arrêté."

Humour ou pas, difficile à déterminer. Ou alors, elle avait simplement été bien dressée. Elle s'installa, là où d'Arcy l'y avait invitée et se pencha pour lisser les pans de sa robe et couvrir ses jambes autant qu'elle le put.
Ce n'est qu'alors qu'elle se décida à observer le visage du Gardien. Il ne lui en avait pas laissé l'occasion lors de leur rencontre d'une demie seconde et elle connaissait finalement mieux son dos que tout le reste. Les lunettes semblaient la déranger alors qu'elle détaillait les traits qui dessinaient le visage de son hôte du moment. Elle ne lui fit pourtant aucune remarque à ce sujet.
Son index glissait machinalement sur son propre avant-bras.

"Vous vouliez me voir parce que...?"

Marina s'humecta les lèvres en quittant le visage de d'Arcy pour s'amuser à observer les mouvements de l'alcool. Il y avait quelque chose d'envoûtant à cette couleur qui cognait contre les parois du verre. Et à ce doigt qui accompagnait la danse.
Tout naturellement, le regard de la Caïnite passa de l'index à la manche, de la manche à l'épaule et de l'épaule au col blanc qui encerclait la gorge.

"Vous devez beaucoup vous amuser si toutes les nuits sont comme celles-là."

Elle haussa les épaules, comme pour lui signifier que le sujet ne l'intéressait pas vraiment. Sans doute même, qu'elle n'enviait sa charge de travail pour rien au monde, mais qu'elle comprenait. Pas de bol ou trop de bol que ce soit tombé sur lui, c'était avant tout une question de point de vue.
Ses yeux détaillaient son menton et ses lèvres. Elle-même se passa une main dans les cheveux. Ainsi donc le Gardien était lui-aussi Ventrue.

"J'arrive de Moscou...Pour tout vous dire, Paris ne me laisse pas une forte impression pour le moment. Je n'ai que le bonheur de venir y trouver mon Sire."

Elle marqua un temps de pause en fronçant les sourcils, réfléchissant soigneusement à ses prochains mots. Elle ne comptait pas jouer d'humour sur ce sujet et chaque phrase allait être précieuse.

"J'ai eu l'obligation de le rejoindre ici...Il va visiblement rester pour un long moment maintenant qu'il a des responsabilités. Je ne pouvais donc pas être seule plus longtemps à Moscou."

N'est-ce pas ? Elle pinça les lèvres et observa les lunettes si gênantes de d'Arcy. Elle se retenait toujours de jouer à l'enfant ou d'ajouter quelques petites répliques gentillettes. Qui sait si Monsieur-de-Luxe avait de l'humour ou non.

"Ivan. Je suppose que vous le connaissez. Puisque nous partageons le même Sang."

Le stoïcisme dont faisait preuve d'Arcy ne lui avait effectivement pas échappé. Marina n'était pas quelqu'un de réellement attaché aux différentes circonstances et aux formalités. Mais le Gardien, en passant outre toutes ces conneries, était un mur. Juste un foutu mur. Elle était peut-être mal à l'aise face à ce genre d'attitude mais ne le montrait pas. Ou peut-être cette main ci, qui n'arrêtait jamais de bouger, tantôt auprès d'une mèche de cheveux, tantôt sur son bras, était une preuve suffisante.

Et si lui avait eu une quelconque réaction, même minime, au sujet d'Isabault, elle ne put que s'en satisfaire. Il s'agissait, après tout, d'une marque d'émotions; enfin quelque chose de personnel dans cet univers beaucoup trop stérile et surfait. Au milieu de tout ce matériel, de tous ces artifices, il y avait bien un homme. Son interlocuteur n'avait rien du robot paradeur.
De son côté, elle ne chercha pas à jouer ou à se mentir à l'annonce. Elle était peinée de l'apprendre, quelque part, tout au fond d'elle, mais n'en éprouvait aucun sentiment particulier en surface. Trop jeune, peut-être, pour en comprendre toutes les conséquences.

"Je ne l'ai pas connue mais je connaissais son nom. Je suis désolée de l'apprendre. Ca a certainement été dur ici, au sein du clan..."

Bizarrement, elle se serait attendue à entendre des informations de ce genre de la part d'Ivan. Que le Gardien lui prenne sa place de premier Ventrue rencontré à Paris procurait à la Caïnite une impression pour le moins étrange. Elle était si proche et avait pourtant la nette sensation d'avoir reculé. De là, à conclure qu'elle se contenterait de sa rencontre avec un glaçon en attendant, c'était beaucoup trop présomptueux. Ca ne faisait qu'attiser son envie de chaleur.

"Vous n'êtes pas supposés connaître votre Primogène ? Je veux dire...vous avez tous les deux des rôles carrément importants et, en étant du même Sang, en plus. C'est pas bien logique, non ? Ou bien vous trouvez pas le temps d'une éternité pour discuter ?"

Plus à l'aise ?
Entre Fey et d'Arcy, ce n'était pas difficile de comprendre pourquoi Paris lui paraissait plus froid que Moscou.